INTRODUCTION

Force est de constater que le cadre de gestion d’entreprise n’est pas toujours formalisé, et quand il existe, il est souvent incomplet, car peu revisité. A l’heure où les entreprises se transforment à un rythme plus élevé et se complexifient (nouveaux business models, acquisitions, organisations matricielles, grand nombre de P&L et une nécessité croissante de collaborer sur des sujets transverses), la direction générale et la direction financière sont amenées à repenser le cadre de gestion, afin de garantir un pilotage efficace, en ligne avec les objectifs stratégiques d’entreprise.

Repenser le cadre de gestion, c’est se poser les bonnes questions sur les évolutions à apporter au pilotage de la performance propre à l’entreprise. Par exemple :

• Comment décliner les objectifs du nouveau plan stratégique dans l’organisation et le dialogue de gestion ?
• Comment définir opérationnellement et financièrement les évolutions du business model de l’entreprise ?
• Quel type de gouvernance financière faut-il mettre en place pour piloter une organisation internationale matricielle ?
  Comment  inciter  financièrement  les  organisations  à  collaborer  et  diffuser  l’expertise  de  centres d’excellence ?
• Quels indicateurs de performance faut-il définir afin de partager les fruits de cette collaboration ?
• Comment définir les objectifs de cash-flow opérationnel ? Peut-on définir des règles homogènes de déclinaison du DSO (« Days Sales Outstanding », délai de paiement des clients) et des formules associées ?

Repenser le cadre de gestion, ne doit pas revenir à rédiger un manuel de procédures détaillées, mais bien à aligner les équipes dirigeantes autour d’un tronc commun de principes, règles, définitions qui vont structurer le dialogue de gestion.

Notre expérience de Directeur Financier et notre expertise de consultant au sein d’Argon & Co nous ont amenés à élaborer la méthode du « Steering Framework », que nous avons déployée chez de nombreux clients cherchant à bâtir efficacement leur nouveau cadre de gestion. Le « Steering Framework », selon Argon & Co, comporte quelques invariants, l’enjeu étant de le personnaliser aux besoins spécifiques de l’entreprise et de le promouvoir. Les paragraphes suivants illustrent six éléments du « Steering Framework » :

• La logique de gestion
• Les dimensions de pilotage de la donnée
• Les principes d’allocation des coûts
• La définition des KPIs
• La construction budgétaire
• Les sources et référentiels de données

1. La logique de gestion

Il s’agit de définir pour chaque type d’unité de gestion (par exemple : centre de profit, centre de service, centre de production, point de vente) la nature et les principes de pilotage de la performance. A titre d’illustration, un point de vente sera considéré comme un centre de profit et pilotera une contribution opérationnelle, un chiffre d’affaires par catégorie de produits et par m², et un indicateur de rotation des stocks. Autre exemple, une unité de production sera considérée comme un centre de coût et pilotera un rendement opérationnel, un prix de revient interne et un taux de qualité. Son taux de marge de gestion sera défini pour atteindre un point mort, ou a contrario, certains choisiront de piloter une partie de la marge de gestion au niveau du centre de production.

La logique de gestion pose les choix structurants du modèle de pilotage, clarifiant les responsabilités sur la chaîne de valeur, condition « sine qua non » d’un dialogue de gestion efficace en ligne avec les objectifs de l’entreprise.
 

2. Les dimensions de pilotage de la donnée

Les axes d’analyse de gestion sont définis une fois les choix structurants du modèle de pilotage posés. Ces axes d’analyse structurent notamment la donnée à la source de la transaction, comme les dimensions métier, géographie, client pour piloter la marge. Les dimensions d’analyse évoluent dans le temps en s’adaptant aux changements opérationnels ou de périmètre d’activité (acquisitions, spin off etc.). Les nouvelles solutions agiles telles que Workday Finance par exemple, apportent une plus grande flexibilité en offrant une capacité d’adaptation et d’évolution des dimensions en fonction des besoins.

Toutes les dimensions d’analyse ne sont pas forcément natives des systèmes transactionnels, type ERP.
Elles peuvent provenir de référentiels indépendants dans les systèmes de chaque domaine fonctionnel de l’entreprise (exemple CRM pour la dimension clients). L’unicité de ces dimensions est une garantie pour le directeur financier que les données financières et les indicateurs de performance du dialogue de gestion sont justes et complets.

3. Les principes d’allocation des coûts

En fonction de la logique de gestion définie pour chaque type d’unité de gestion (par exemple, centre de profit, centre de service, centre de production, point de vente), l’objectif est de définir le modèle d’allocation pertinent pour le pilotage de la performance : quel type de coût allouer ? quel seuil minimal ? Et à quel niveau de l’organisation ?

Il peut s’agir de la construction d’un prix de revient interne, ou encore de l’allocation de ristournes obtenues par une centrale d’achat, jusqu’à l’allocation des frais généraux au niveau des P&L de la structure hiérarchique. Les clés de répartition sont essentielles, et doivent être parfaitement définies afin d’éviter les biais dans la lecture de la performance, mais également de sombrer dans un niveau de sophistication déraisonnable.

4. La définition des KPIs

Il s’agit ici de décomposer les agrégats financiers clés (retour sur capitaux employés, revenu, EBITDA, Free Cashflow etc.) en sous-ensembles, de manière à identifier les leviers opérationnels en jeu. Pour chaque levier opérationnel, il est alors possible de définir un KPI, de lui associer un objectif et de le mesurer. La définition de l’indicateur passe par l’identification de ses sous-jacents et de ses inducteurs en spécifiant la source de la donnée. Ainsi, par construction, il devient possible d’expliquer la variation d’indicateurs financiers par les variations d’indicateurs opérationnels. Le dialogue de gestion s’en voit clarifié et enrichi. Il devient donc plus rationnel et plus efficace.

5. La construction budgétaire

Les éléments présentés précédemment facilitent le processus d’élaboration du prévisionnel en « bridgeant » plus  facilement  l’information  financière  avec  les  données  opérationnelles.  De  fait,  les  responsables  des centres budgétaires établiront leurs prévisions d’activités, sur la base de données opérationnelles, que les équipes financières traduiront en agrégats financiers. La granularité de l’information budgétaire dépendra des structures, hiérarchies et dimensions définies dans le cadre de gestion. Du processus budgétaire découlent d’autres processus tels que le rolling forecast (atterrissage de fin d’année ou prévision sur 12 mois) mensuel ou trimestriel.

Un autre élément important est la prévision du free cashflow qui pourra aisément s’appuyer sur le processus du rolling forecast ou disposer d’un processus spécifique. Une normalisation de cette prévision du cash se matérialisera soit par une approche indirecte (plus simple si l’on veut partir d’un EBIT prévisionnel), soit par une approche directe (plus complexe dans de grandes organisations vu la quantité de flux). Cette prévision ne se substitue pas aux prévisions de trésorerie effectuées par exemple de façon hebdomadaire par les équipes de la trésorerie. Enfin, il est possible d’associer à ces activités de prévision le besoin de couverture en devise. Un processus spécifique doit être mis en place sous la direction de la trésorerie centrale afin de maitriser le coût, la faisabilité et les contraintes comptables inhérents aux produits dérivés.

6. Les sources et référentiels de données

Il est essentiel de cartographier les systèmes générant la donnée de performance opérationnelle et financière. Afin de garantir la mise à disposition de données exactes et complètes, il faudra s’assurer d’établir une gouvernance des référentiels clés de données (tiers, produits, services, plans de compte etc.). Des responsables fonctionnels devront être nommés afin de garantir la qualité du référentiel dont ils ont la charge. Il est essentiel que cette gouvernance soit effective afin de garantir une qualité de donnée au fil du temps.

Le cadre de gestion a vocation à normaliser les canaux d’acheminement de l’information de gestion en définissant les flux de données (source, granularité, calcul, consolidation) et la gouvernance des données.
L’enjeu est de garantir le bon équilibre entre la pertinence de l’information et l’efficacité de production de cette information. A titre d’illustration, une entreprise pourra décider de produire tous les P&L de gestion sur la base d’un processus d’agrégation et de consolidation de données comptables plutôt que de reconstituer une information de gestion dans une BI. Parmi les données à structurer, notons par exemple, les référentiels comptables, clients, fournisseurs, produits, RH.

CONCLUSION

L ’évolution du cadre de gestion impacte la gouvernance de l’entreprise, la mesure de la performance, et potentiellement les règles de rémunérations liées aux objectifs de performance. Fort de son expérience, Argon & Co accompagne ses clients dans :

• La définition ou la refonte du cadre de gestion
• La spécification des outils de mesure de la performance
• La conduite du changement et l’accompagnement à la mise en œuvre
La démarche dédiée de conduite du changement pour réussir le projet doit s’appuyer sur un sponsorship fort de la direction générale et de la direction financière.

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